Ithrilandia est une jeune femme du Gondor élevée dans une famille noble de Minas Tirith, dans le respect des traditions et des anciens rois. Ithri, comme ses amis la surnommaient, était très différente des autres filles de la cité, elle avait une figure plus grave et une peau plus pâle. Quelques mauvaises langues disaient qu'elle ressemblait à un esprit de Parjure en jupon mais ce n'était que des formes de jalousie, elle attirait le regard de nombreux jeunes nobles qui la désiraient pour épouse. Malheureusement pour eux, Ithrilandia ne s'intéressait pas aux titres ou aux richesses, seules les valeurs d'une âme comptaient à ses yeux, cependant, elle attachait une importance particulière à un bout de tissu bleu qu'elle gardait toujours sur elle, elle l'avait depuis sa naissance et ne l'échangerait pour rien au monde, sans trop savoir pourquoi. Pendant toute sa jeunesse, la demoiselle rêva de grands espaces et d'aventure, se liant d'amitié avec Erganir, le fils d'un marchand qui avait beaucoup voyagé. Ensemble, ils imaginaient des exploits de guerriers dans la cité perdue d'Annuminas, près de la mystérieuse Fangorn et même dans l'hostile région du pays de Dun et des Monts Brumeux. Ils faisaient le vœu de rencontrer les elfes et de se frotter à leur
magie.
A son vingtième printemps, Ithrilandia fit une terrible découverte sur ses origines. Elle apprit que ses parents l'avaient acheté à un fermier trop pauvre pour l'élever. Ce dernier avait raconté à ses parents adoptifs une histoire abracadabrante, un grand homme toqua une soirée à sa porte, il était en sang et en haillons, délirant. Il disait que ce bébé contenait l'espoir de tout un peuple et qu'il fallait veiller sur elle, sur ce, il mourut. Le fermier se retrouva donc avec une couverture bleue déchirée contenant un bébé endormi, qui atterrit très vite chez ce couple de Minas Tirith : les parents adoptifs d'Ithrilandia. Sous le choc et sans dire un mot, la jeune femme rassembla ses affaires de voyage, dépensa tout son argent en équipement guerrier et quitta son quartier. En chemin elle croisa Erganir qui commença à la suivre et à la questionner mais elle ne lui répondit pas. Ithrilandia était aveuglée par la rage et la honte, elle voulait la vérité plus que tout, prête à affronter l'inconnu et le monde sauvage pour retrouver ses véritables parents.
Erganir tenta de l'arrêter mais son amie était absorbée par son but, il se donna comme devoir de la protéger où qu'elle irait et de porter l'étendard de cette nouvelle chevalière errante. Le couple de jeunes aventuriers rejoignit une caravane qui partait dans la région de Bree et vécut de nombreuses aventures en chemin, permettant à Ithrilandia de se découvrir un vrai don dans le maniement de l'épée mais aussi un pouvoir étrange : en sa présence, les soldats des Peuples Libres se battaient avec un courage et une adresse incroyable, comme si toute une armée de combattants légendaires se tenaient à leurs côtés. N'importe qui souhaitait la suivre au combat, aussi périlleux soit-il. Ithri n'appréciait pas du tout cela, préférant se battre seule avec Erganir, qu'elle présentait comme son écuyer.
Un jour, Ithrilandia et Erganir se retrouvèrent en fâcheuse posture et furent faits prisonnier par des brigands plutôt bien entraînés qui se vantaient de faire partie du Plateau Noir, un groupe de fidèle d'Angmar. Les malandrins hésitaient entre transformer les captifs en cible d'entraînement ou en repas pour loup, le chef expliqua à ses hommes que les deux options étaient réalisables, il suffisait de commencer par la première et de finir par la deuxième. Les bandits regardèrent leur chef comme des enfants regardent un grand érudit et ce dernier jeta un regard cruel aux prisonniers. Il allait égorger Erganir quand une volée de flèche s'abattit sur le groupe, tuant les brigands. D'autres arrivèrent cependant, prêt à en découdre, mais ils furent vite découragé par un sinistre chant de guerre qui résonna soudainement dans la nuit. Les voix spectrales se rapprochaient et personne dans le camp ne voulait voir qui en était à l'origine. C'est pourtant une minuscule silhouette qui émergea des ombres, joliment habillée, tenant une cloche dorée qu'elle faisait sonner doucement. Auparavant effrayés, les vilains s'écroulèrent de rire en raillant l'étrange personnage. Visiblement vexée, la petite personne poussa un cri glaçant et surnaturel qui assomma plusieurs ennemis, elle en tua encore avec sa dague, mais ils étaient nombreux, elle cria une seconde fois. Une autre silhouette fantomatique fit son apparition, armée d'un grand arc elfique, elle visait juste et mortellement, au grand dam de ses opposants qui commençaient à prendre la fuite vers la forêt. Mais de la forêt justement, émergea une troisième silhouette, floue et grande cette fois-ci. Elle tenait un arc composite dans sa main droite et portait deux dagues à sa ceinture. Les brigands semblaient la connaître de sinistre réputation car ils voulurent s'enfuir, mais il décocha ses flèches barbelées avant.
Ithrilandia et Erganir s'imaginaient déjà tiré d'affaire. Ils appelèrent leurs sauveurs mais les ombres passèrent devant eux sans leur donner la moindre attention. Attachés comme ils étaient, nos deux héros ne pouvaient pas leur faire de signes et n'avaient que la voix pour les prévenir. Celle-ci ne les affectait apparemment pas. Le couple de guerrier appela et supplia mais ils n'entendaient que des bruits de fouilles et de bois brisé. Des voix commencèrent soudain à converser entre elles, une était douce et joyeuse, l'autre fluette et amusante, la dernière était une voix d'homme, grave, presque agressive :
"Ce n'est pas ici qu'on va trouver des reliques importantes, et je me suis déjà chargé du Plateau Noir. Ceux-là n'étaient que du menu fretin, on a encore perdu notre temps
- Ecoute Riddor, j'avais faim et il était trop tard pour le Grand Galgal, et je te signale qu'on a voté ! ...Regarde ça Elea ! De l'herbe du vieux Toby, je te dis qu'on a bien fait de venir.
- Tu as fait voter ton stupide animal ! Les autres se battent en Angmar et nous on se retrouve là à jouer les Frontaliers parce que ces demoiselles avaient besoin d'herbe à pipe !
- Ce n'est pas un stupide animal c'est une musaraigne ! Si tu voulais te battre contre les orques, pourquoi es-tu venu avec nous ?
- Parce que...je...vous savez quoi ? Je rentre à Bree, marre de servir de cible aux sauvages du bois de Chet. Vous savez où me trouver, bonne continuation !
- C'est ça, abandonne-nous ! Rustre !
- Gamine.
- Pardon ?! Je vais te mettre une baffe si...
- Laisse Prymm, il est parti.
- Pourquoi il s'obstine à venir avec nous on est pas assez brave et noble pour MONSIEUR le dunedain ? C'est quoi son problème ?
- Je ne sais pas, il doit rester trop souvent seul peut-être. Vivre constamment dans les contrées sauvages ou avec les rôdeurs, ça doit atteindre le cerveau à un moment.
- Il devrait faire comme tout ses semblables, se trouver une elfe de bonne famille et se ranger ! M'enfin bon, je vais faire de la place pour cette magnifique robe là, je suis sûre qu'elle me va à merveille ! Ensuite on rentre au quartier général !"
Pendant ce temps, Ithrilandia lançait au ciel des cris et des injures pour qu'on la détache. Elle ne pouvait pas croire que ses trois ombres redoutables s'étaient ainsi battus seulement pour piller quelques caisses de brigands. Erganir et elle désespéraient quand elle sentit une lame trancher enfin ses liens. C'était l'homme de tout-à-l'heure. Il était encapuchonné dans une longue cape verte qui se fondait dans la forêt. Son armure, d'aspect légère mais solide, était verte également. Le rôdeur retira sa capuche et Ithrilandia put constater que ce guerrier lui ressemblait étrangement, malgré sa barbe et ses cheveux hirsutes, il avait la même peau et les mêmes yeux qu'elle, le même regard : flamboyant et déterminé. Il n'avait rien d'amical à première vue mais la jeune femme se sentait rassurée en sa présence. L'homme, qui paraissait un peu plus vieux qu'elle à cause de ses traits fatigués, la regardait avec méfiance et étrangeté, comme s'il assistait à un maléfice de Morgul. Il se détourna et détacha Erganir, Ithrilandia fit une petite courbette de remerciement et lui demanda :
"Je vous remercie de votre bonté, rôdeur. Si vous voulez des dédommagements pour...
- Gardez votre argent, je ne fais pas ça pour la richesse. Retournez d'où vous venez demoiselle, l'endroit est dangereux et la route n'est que peu sûre.
- Pourrais-je tout-de-même connaître votre nom ? Vous m'avez sauvé la vie !
- Mon nom n'a aucun sens, je ne suis d'aucune lignée, il m'a été prêté.
- Vous voulez dire que vous avez été adopté ?
- Je ne veux pas parler de mon passé, car ce n'est pas une bonne histoire, surtout pas ici et à une oreille inconnue. Si vous êtes brave, trouvez-vous un but, une lutte à mener, les problèmes ne manquent pas ici. Sinon, rentrez chez vous.
- Je n'ai pas de chez moi, et je veux me battre !
- Alors voici notre adresse. Dites que vous venez de la part de Riddor Sombrelame, cela vous évitera de finir avec une dague entre les côtes.
- Je connais votre nom maintenant ! Le mien est Ithrilandia, et je n'ai jamais eu de famille, ni de nom à porter.
- Notre repaire est loin dans les montagnes à l'ouest, chez les nains. Si vous y parvenez en un seul morceau, vous devriez trouver une place parmi nous.
- J'ai une mission, une affaire personnelle, je...
- Nous en avons tous une chez les Pilleurs de l'Ombre.
- Les Pilleurs de l'Ombre ? Qui...
- Une association, un groupe, des compagnons pour certains, et pour d'autres, une famille.
- Et pour vous ? Qui sont-ils ? ...Riddor ?"
Mais le rôdeur avait disparu dans la forêt, laissant Ithrilandia et Erganir seuls entre les arbres et les étoiles. Laissant une jeune femme décidée à intégrer ce mystérieux groupe des Pilleurs de l'Ombre, persuadée de pouvoir remonter à ses parents plus facilement ainsi. A peine remis de leurs émotions, le duo d'aventuriers partit en direction des montagnes...